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Quels KPIs regardent les investisseurs à impact ?

Olivier Mougenot
6 min readNov 25, 2020

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Cette question remonte dans la majeure partie de mes discussions avec les entrepreneurs. Elle est légitime. L’investissement à impact est né de l’idée d’une double comptabilité selon laquelle certaines entreprises pouvaient à la fois créer de la valeur pour leurs actionnaires en gagnant de l’argent, et en créer pour la société en accélérant la transition environnementale ou en renforçant le lien social.

Mesurer l’impact social et environnemental

Replacé dans le contexte, l’investissement à impact s’est développé à rebours de toutes les théories et pratiques de son époque. Théories selon lesquelles l’entreprise a pour seul objet les intérêts de ses investisseurs. Pratiques d’investissement selon lesquelles servir des besoins fondamentaux ou des populations à l’écart « du marché » ne pouvait être un terrain fertile économiquement. Dès lors, mesurer la valeur financière, sociale et environnementale devenait nécessaire.

Rendre compte de la valeur économique ne présente, a priori, pas de questions ou difficultés nouvelles. Les investisseurs à impact utilisent sur ce point les mêmes indicateurs que les fonds traditionnels. Ils les regardent avec la même attention, car avoir de l’impact implique aussi de valider un modèle pérenne et susceptible d’attirer d’autres investisseurs pour financer le développement de la société et l’atteinte de cet équilibre.

Mais comment dépasser cette unique mesure, échapper à la tyrannie du “ou performance sociale ou performance financière”, pour trouver les indicateurs de performance sociale ou environnementale qui détermineront la performance financière ?

“We try to remember that medecine is for the patient. It is not for the profits. The profits follow. The better we have remembered it, the larger they have been.” George Merck II, Président Merck & Co (1925-1950)

D’abord en partant de l’activité et du besoin auquel la start-up répond. Une société fabricant du polyester en séquestrant du carbone comme Fairbrics et une application accompagnant des anciens fumeurs dans l’arrêt de la cigarette comme Kwit ne peuvent pas suivre les mêmes indicateurs d’impact : elles répondent à des enjeux différents pour notre société. Leurs fondateurs pourront suivre les mêmes indicateurs de responsabilité sociale et environnementale (« RSE » ou « ESG » ), sur des enjeux comme la parité ou la diversité. Néanmoins ces indicateurs resteront étrangers aux besoins auxquels leurs produits répondent (fabriquer de manière durable du polyester, ou arrêter de fumer), à la performance de leurs produits (tCO2 pour 1kg de polyester, pourcentage de personnes ne fumant plus 12 mois plus tard) ou aux nombres de personnes/entreprises qu’elles ont su toucher.

Les indicateurs RSE rendent compte de bénéfices potentiels mais ne reflètent pas l’impact, le changement, que ces entrepreneurs visent à accélérer par leurs produits.

D’autre part, en prenant en compte l’ambition des entrepreneurs face à l’enjeu qu’ils cherchent à résoudre et les leviers de cette ambition.

Ambition et stratégies d’impact

Cette ambition et ces leviers feront échos aux stratégies des différents investisseurs à impact susceptibles de les financer. Car depuis ses débuts, l’investissement à impact s’est considérablement développé et les investisseurs à impact ne suivent pas tous les mêmes stratégies :

· Les acteurs du micro-crédit s’appliquent à rendre autonome le bas de la pyramide ou donner des moyens à l’entrepreneuriat local ;

· L’Economie Sociale et Solidaire s’intéresse à l’inclusion et au partage de la valeur économique au sein de la société ;

· Les fonds d’impact dédiés aux entreprises « à mission » cherchent à transformer la société à travers des produits/services répondant à une offre déficiente sur des enjeux majeurs.

Donner les moyens, partager ou transformer, chaque approche porte une intention différente, et par conséquent des indicateurs différents. Alors que le micro-crédit sera très sensible aux emplois créés par l’entreprise, ou au revenu dégagé par l’entrepreneur de son activité et à sa capacité à en vivre, l’ESS regardera des indicateurs reflétant l’inclusion des populations exclues ou aux écarts de salaires.

Transformer par l’entreprise

Citizen Capital fait partie de cette troisième catégorie d’investisseurs cherchant à transformer en investissant dans des entreprises « à mission » visant à répondre directement et de manière ambitieuse à un enjeu. Les indicateurs identifiés et suivis reflètent cette ambition et la stratégie de nos entrepreneurs pour y parvenir. Elle peut passer par :

· Le produit, c’est-à-dire sa capacité à mieux répondre à un besoin fondamental. Il rentre en concurrence avec celui des acteurs historiques qui n’apportent plus l’utilité et la valeur attendues. Notre investissement dans Lalilo est un bon exemple d’un produit pensé pour aider les professeurs à enseigner la lecture différemment et mieux gérer des classes avec des niveaux plus hétérogènes qu’auparavant. Nous regardons avec les fondateurs la performance académique des élèves utilisant Lalilo, la roadmap pour la renforcer ou s’assurer qu’elle est atteinte, et la go-to-market pour toucher un nombre important d’enfants. Sur ce dernier point, les fondateurs ont fait le choix d’une offre freemium ouvrant le contenu éducatif à toutes les classes peu importe les moyens de l’école ;

· La chaîne de valeur, dans laquelle la start-up peut s’insérer pour en modifier l’organisation. Ces stratégies se prêtent bien à des transformations impliquant toute une industrie. Yuka est un bon exemple. La société s’est glissée entre la grande distribution et le consommateur pour en devenir le conseiller le plus proche. Les indicateurs d’impact de Yuka pourraient aussi bien être le nombre d’industriels intégrant le score Yuka dans le pilotage de leurs formulations, le nombre de produits dont la formulation a changé, que le « score Yuka » d’un rayon : s’il s’améliore, l’industrie se transforme ;

· L’exécution d’une stratégie RSE « best-in class », souvent au sein d’un secteur particulièrement polluant, susceptible de capter des parts de marché significatives et d’influencer le reste du marché à suivre cette stratégie. C’est avec cet objectif que nous avons investi en 2013 dans la CAMIF, spécialisée dans l’aménagement local et durable de la maison.

Ces indicateurs reflètent la valeur crée par la start-up pour le bénéficiaire ou l’utilisateur. Nous investissons avec la conviction que celle-ci facilitera, accélérera ou soutiendra sa performance globale.

Plan d’impact, pacte et carried interest

Citizen Capital investit dans des problèmes et des industries très variés avec des modèles d’affaires tout aussi variés. Trouver les indicateurs qui reflètent la transformation que visent les fondateurs implique une réflexion propre à chaque projet.

Cette démarche est un fil conducteur dans nos échanges avec les entrepreneurs avant d’investir. Elle renforce notre compréhension des marchés et des feuilles de route et permet aux fondateurs de voir comment nous travaillons. Elle permet aussi de chiffrer le potentiel de « transformation » de la start-up si elle connaît le succès souhaité, en déclinant les KPIs d’impact identifiés sur la base du business plan.

Ce « plan d’impact » nous l’annexons à nos pactes d’associés. Non pour actionner des droits, mais pour ancrer l’ambition et rappeler les raisons de notre investissement.

Il sert également d’outil d’incentive pour les équipes de Citizen Capital. Afin de nous aligner avec l’ambition affichée, Citizen Capital a pris il y a quelques années la décision de conditionner 50% de sa rémunération liée à la performance de ses investissements à l’atteinte des objectifs de transformation fixés avec ses entrepreneurs. Ce modèle unique garantit notre engagement à travailler avec eux vers le changement souhaité et à rechercher la valeur à travers cette transformation.

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Si cette démarche vous intéresse et que votre entreprise est à la recherche d’un impact positif, n’hésitez pas à prendre contact avec nous. Citizen Capital investit des tickets de 500k€ à 3M€ du seed à la Series B dans des sociétés comme Openclassrooms, Deepki, Lalilo, R-PUR, Supermood ou encore Make.org.

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